Critique du 23/07/2011

Par Guillemette Odicino

| Genre. Chef-d'oeuvre de culot.

Le gГ©nie de Samuel Fuller repose sur ses excГЁs, son choix de flirter avec le ridicule pour traquer l'Г©motion. Police spГ©ciale. oГ№ il mГЄle romantisme et brutalitГ©, est la parfaite illustration de son aplomb. La scГЁne d'ouverture, oГ№ Kelly la prostituГ©e roue de coups son souteneur, est sidГ©rante. Les plans, d'une modernitГ© et d'une hystГ©rie rares, laissent augurer un film noir. Pourtant, c'est Г la rГ©demption de cette putain racГ©e que Fuller va s'attacher. Tel un cow-boy solitaire en tailleur cintrГ©, Kelly dГ©barque dans la petite bourgade de Grantville, et dГ©cide soudain d'arrГЄter В« les hommes, le lit, la bouteille В». Reconvertie en infirmiГЁre, son visage endurci devient celui d'un ange. Un prince charmant la demande en mariage. Mais Fuller ne croit pas au prince charmant.

Dans ce mГ©lo noir, Fuller ose tout. ScГЁnes hospitaliГЁres et chansons enfantines douces Г pleurer, citations de Goethe ou de Byron, gondoles filmГ©es Г Venise, procГЁs de la pГ©dophilie, et une deuxiГЁme grande scГЁne d'hystГ©rie pour Kelly, incroyable personnage de femme Г la fois sensible et plus dure Г cuire que quarante tueurs. Dans le rГґle, Constance Towers, sorte de Tippi Hedren qui saurait crever les yeux des oiseaux, est impressionnante. A la fin, Kelly repart, comme tout bon hГ©ros de western. Personne ne l'oubliera Г Grantville. Nous non plus.