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Faut que j’l’Ă©crive. C’Ă©tait cette nuit. J’Ă©tais de garde. J’ai dormi que 3 heures, j’aurais pu grapiller 1 heure de plus si j’avais pas papotĂ© avec mon infirmier, mais ce qui est fait est fait. Je suis pas payĂ©e pour dormir. Je pourrais comater sur le canapĂ©, maintenant, mais faut que je l’Ă©crive. Sale moment.

Pleine nuit, dans un immeuble en ville. Je sais plus si c’Ă©tait au 4e ou au 5e Ă©tage. Pas d’ascenseur. Un escalier pas pharaonique. Deux ambulanciers privĂ©s, un mâle et une femelle, sont arrivĂ©s quelques minutes avant nous. Pas des avec lesquels j’ai l’habitude de bosser, et au premier regard on a pas affaire Ă  Mr et Mme Dynamisme-EfficacitĂ©. Ils ont installĂ© le patient demi-assis, dans son salon avec de la place autour pour Ă©taler notre bordel matĂ©riel, ça serait un bon point si ils n’avaient pas fait dĂ©placer le patient pour ça. Puis ils ont regrettĂ© la manĹ“uvre et l’ont collĂ© sous oxygène ; il est essoufflĂ©, le gars.

QuadragĂ©naire bientĂ´t quinqua, grand gaillard de … on va dire 90-95 kg Ă  vue de nez, assez massif avec un tout petit peu de gras au bide, le torse poilu, les Ă©paules larges. Il est pas bien, le monsieur, c’est un euphĂ©misme. On va le scoper et le perfuser d’emblĂ©e, rien qu’Ă  sa tĂŞte. Je le sens pas. Il a mal dans la poitrine, comme un Ă©tau, ça irradie un peu lĂ -haut, ça fait 30 minutes que ça dure, c’est pour ça qu’il a appelĂ©. C’est la première fois. Il a la bonne tĂŞte du coronarien en puissance, le paquet de clopes posĂ© sur le rebord de la fenĂŞtre, et Ă  part ça je crois pas qu’il ait des masses d’antĂ©cĂ©dents. Je crois pas, mais honnĂŞtement, vu la gueule qu’il a, je vais pas passer 3 plombes Ă  savoir si il a eu l’appendicite Ă  12 ans ou Ă  13 ans.

Deux doigts sur l’artère radiale, un Ĺ“il sur le scope qui est en train d’ĂŞtre branchĂ©, une pensĂ©e «pourvu que ça soit pas trop la merde pour le perfuser » en voyant l’infirmier en train de chercher la veine, avec cette moue dubitative que je lui connais, lui qui mettrait un gris lĂ  oĂą quelqu’un de «normal » n’arriverait Ă  passer qu’un rose. La douleur, les sueurs, la polypnĂ©e. Le pouls de frĂ©quence normale mais pas folichon-folichon. du tout. Le stĂ©tho sur les oreilles, d’une main, je soulève la couverture. Il est marbrĂ©. Bordel de merde. Je hais les chocs cardiogĂ©niques. C’est super intĂ©ressant, mais c’est la vraie pouasse, en SMUR, les chocs cardiogĂ©niques. Le tracĂ© ECG. Bah oui, fallait s’en douter, y’a des ondes de Pardee monstrueuses, partout. Enfin presque partout. Tronc commun, sur coronaire gauche dominante. Le monsieur infarcit les 8/10e de son cĹ“ur, qui du coup pompe mal, ça chie.

Les prescriptions sont mes rares mots, l’ambulancière et l’infirmier du SMUR les exĂ©cutent avec professionnalisme, ils sont rodĂ©s. J’en ai, des consignes pour les occuper. Les gestes s’enchaĂ®nent et se coordonnent dans ce petit binĂ´me sur lequel je peux compter.

Va falloir aller dĂ©boucher cette artère, on est pas très loin de la table de coro, mais va falloir y arriver, c’est pas gagnĂ©.

Ça y est. Il commence Ă  faire le con. Orage rythmique. Une salve par ci, deux extrasystoles par lĂ , ça sent de plus en plus mauvais, cette affaire. Y’a de plus en plus Ă  faire, de plus en plus Ă  se magner, les deux sur lesquels je peux compter croulent sous les ordres, z’ont beau assurer, faire tout dans l’ordre sans rien oublier, vont pas s’ennuyer. Et puis je la sens vraiment pas, cette affaire, j’aimerais bien qu’on lui mette une deuxième voie, hein, on ne sait jamais, ça serait pas du luxe. Si on n’arrive pas Ă  la lui coller maintenant, on y arrivera pas après.

Il file un mauvais coton, ce patient. Pim. la TV. [Tachycardie ventriculaire]. Oui, sur les infarcts, les 2 pires merdes qu’on puisse avoir sont les troubles conductifs ou rythmiques, et le choc cardiogĂ©nique, bon ben lĂ , il a pas 50 piges, ce patient, et il fait les 2. Faut pas gueuler. Y’a son petit de 5 ans qui dort dans la chambre Ă  cĂ´tĂ©. Il vit seul avec, c’est tout ce que j’en sais.

C’est une TV avec pouls, mais dĂ©jĂ  qu’il Ă©tait pas joli-joli. le pouls, autant dire que ce rythme effrĂ©nĂ©, il le tolère pas super bien, Mr JĂ©tougagnĂ©. Faut le rĂ©duire. On va lui enfiler un antiarythmique IV, tiens, voilĂ  une prescription de plus. mais j’ai dĂ©cidĂ© de le choquer, aussi. Il est conscient. Faut le sĂ©dater. On va lui faire une anesthĂ©sie au propofol, j’ai une pensĂ©e pour l’hĂ©modynamique qui Ă©tait dĂ©jĂ  pourrie avant la TV, qui crushe avec la TV, qui va forcĂ©ment pas s’arranger avec le mĂ©dicament, mĂŞme si avec un peu de chance, le choc Ă©lectrique va nous ramener Ă  un rythme tolĂ©rable, enfin c’est pas le choc qui va dĂ©boucher l’artère et motiver le cĹ“ur Ă  contracter non plus.

L’ambu. Branchez-moi l’ambu sur une bouteille d’oxygène. d’ailleurs ça sera l’occasion d’en changer, parce qu’elle est proche de la vacuitĂ©, la première. Mr AmbulancierPrivĂ©PasDouĂ© est allĂ© se mettre en quĂŞte de je sais pas quoi, peut-ĂŞtre la carte vitale ou que sais-je dont j’ai rien Ă  secouer dans les minutes qui viennent. Son pendant fĂ©minin est en train de me prouver qu’il est possible de mettre un quart d’heure Ă  brancher un ambu sur une bouteille d’oxygène, en faisant 3 fois le tour du patient et 12 nĹ“uds avec la tubulure.

Les externes. Je les cherche du regard. On a un externe, «normal », et un externe en prĂ©-garde, qui est lĂ  pour observer, + ou – se rendre utile, avant de dĂ©buter son stage chez nous. Putain, je vais les tuer. Sont Ă  l’autre bout de la pièce, et l’ancien explique Ă  son collègue dĂ©butant ce qui se passe et comment on use de tel ou tel truc du matos, bordel mais aidez.

Bon, pour le propofol, je crois que ça va pas ĂŞtre nĂ©cessaire, la TV avec pouls est devenue une TV sans pouls. Une petite minute s’Ă©tait passĂ©e. Ça rĂ©sout le problème du crush hĂ©modynamique per-anesthĂ©sique, me direz-vous. Je suis la seule avec les mains libres qui soit Ă  cĂ´tĂ© du patient.

Le temps de hurler aux externes de prĂ©parer la charge du dĂ©fibrillateur, je mets le patient au sol avec l’aide de l’AmbulancièrePrivĂ©ePasDouĂ©e. maintenant qu’elle a fini de faire ses nĹ“uds. Je le masse. Putain, faudrait le thrombolyser, sinon on va jamais s’en sortir, de cette affaire.

Un choc. Je reprends le massage. Il repart pas, le con. Je colle l’AmbulancièrePrivĂ©e au massage histoire de me libĂ©rer les mains. Elle masse mal. Trop vite. C’est quand mĂŞme un comble. D’habitude, quand les gens massent comme des pieds, c’est parce qu’ils massent mollement, pas-assez-fort-pas-assez-vite. Ouais mais lĂ  elle masse fort, enfonçant gĂ©nĂ©reusement la cage thoracique du gaillard, ça c’est bien. Mais elle masse trop vite, beaucoup trop vite, je sais pas comment elle fait d’ailleurs (c’est crevant le massage cardiaque). Il va jamais avoir le temps de se remplir entre 2 compressions thoraciques, son VG.

Les palettes en mains, je charge, l’ambulancière se pousse, un deuxième choc Ă©lectrique. On reprend le massage, un des externes s’y est collĂ©. Je lève les yeux. On va jamais y arriver.

Le tĂ©lĂ©phone sonne. Je dĂ©croche. «Tu as un dĂ©part en intervention sur telle commune pour tel motif » me dit le permanencier. J’Ă©tais dans ma chambre de garde. Je rĂŞvais. Je cauchemardais, en fait.

Notre formation, initiale ou continue, comprend des cours thĂ©oriques, des stages, … Et des ateliers de simulation sur mannequin. C’est vachement bien, les simulations. MĂŞme si c’est horrible. L’Ă©quipe qui encadre organise un scĂ©nario, et, pour que ça soit utile, nous met dans une situation «sur la corde », juste au-delĂ  de ce qui est chaud-bouillant mais qu’on a l’habitude de gĂ©rer. mais pas non plus si loin qu’on soit totalement dĂ©passĂ©. Les premières, j’ai eu beaucoup de mal Ă  rentrer dans le jeu, ce patient en plastique, mĂŞme si il parle, si il a des pouls plus ou moins frappĂ©s selon le scĂ©nario, si il peut avoir toutes les atteintes respiratoires et cardiocirculatoires de la Terre, le bide souple ou dur, ĂŞtre un jeu d’enfant ou l’enfer terrestre Ă  intuber, … Ça reste un patient en plastique, et moi qui ai toujours eu du mal avec les patients en papier, ceux des cas cliniques aux exams, j’ai un peu galĂ©rĂ© au dĂ©but. Or si je ne stresse pas en ayant un peu peur pour le patient, les quelques ressources cĂ©rĂ©brales dont je dispose sont verrouillĂ©es, je sais rien ni rien faire, faut que j’aie mon petit shoot d’adrĂ© pour me rappeler de trucs que-je-savais-mĂŞme-pas-que-je-les-savais. pour arriver Ă  faire des gestes difficiles…. Mais du coup, quand on se prend au jeu, c’est super, la simulation. On apprend sur soi, sur ce qu’on doit potasser, surtout (en ce qui me concerne, puisque question lacunes «thĂ©oriques » j’ai toujours mon cerveau Ă©lectronique dans la poche et si besoin l’appel Ă  un ami en composant le 15) voir comment on aurait dĂ» se positionner diffĂ©remment, dans la façon de s’organiser, etc.

Bon, ben du coup, cette nuit, je me suis fait un petit atelier de simulation privé, en rêve. Un sale rêve.